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L'entrée et la façade principale du château du Tertre

Roger Martin du Gard (1881-1958), prix Nobel de littérature 1937

« La vie serait impossible si l'on se souvenait, le tout est de choisir ce qu'on doit oublier. » Roger Martin du Gard

 

Roger Martin du Gard [1] tenait à ce que son château restât un lieu ouvert à la culture et au monde littéraire, comme le rappelle Anne Véronique de Coppet sa petite fille qui l'habite aujourd'hui : "L'ouverture de la maison et l'accès aux dix mille ouvrages de la bibliothèque correspondent à l'idée que Roger Martin du Gard se faisait du devenir de cette maison qu'il considérait comme une partie de son œuvre." Son vœu a été exaucé puisqu'on y reçoit maintenant des artistes écrivains et musiciens.

 

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Le château du Tertre, témoin de la littérature du XXème siècle, a vu défiler dans ses murs et ses jardins des écrivains aussi illustres qu'André Gide, grand ami de Martin du Gard, [2] André Malraux, Jacques Copeau dont sa femme Hélène Foucault dirigea l’atelier de costumes, Jean Schlumberger ou Gaston Gallimard. Cette imposante demeure a connu maintes vicissitudes avant d'être acquise [3] et restaurée en 1925  par Roger Martin du Gard qui l'habita pendant quinze ans jusqu'en 1945. Il y mena une vie studieuse, s'attelant à cette tâche de longue haleine qu'a été l'écriture de ce "roman-fleuve" qu'est Les Thibault. [4]

 

 Le bâtiment construit au cœur du perche sous Louis XIII est fait de pierres et de briques, est situé sur les communes de Sérigny et de Saint-Martin du vieux Bellême. Il fut construit par Bry de la Clergerie historien du Perche et agrandi par Abrial ministre de Napoléon 1er avant de devenir la propriété de Roger Martin du Gard.

Un parc à l'anglaise est venu prolonger le parc initial à la française en terrasses du XVIIème siècle que Roger Martin du  Gard a fait orner de vastes perspectives ouvertes sur Bellême, faisant dégager une belle allée de thuyas et ajoutant à la statue de "Diane chasseresse" installée sous le Premier Empire une statue de Flore.

 

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Château du Tertre, la chambre et la bibliothèque

 

Dans un numéro du Monde Nouveau, Léon Pierre-Quint le dépeint ainsi dans un article intitulé "Martin du Gard le constructeur" : « Il apparaît comme un homme ayant les pieds bien posés sur la terre, d'une puissante carrure, sans demi-teintes ni mystère, avec une faculté d'accueil exceptionnelle, faite d'une humeur franche, d'une familiarité malicieuse et presque rabelaisienne. Ce qui frappe, c'est cet accueil amical, affectueux (qui sait néanmoins garder les distances) de grand bourgeois qui se serait dépouillé du grand bourgeois et lui aurait substitué un sens naturel, presque fraternel, s'adressant en chacun à l'homme et que nous pouvions peut-être déjà appeler un sens de l'humanisme. » 

 

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                                                                Parc du château : Statues de Flore et de Diane

 S'il resta fidèle à son cher château du Tertre, [5] il y eut malgré tout plusieurs exceptions dues essentiellement aux événements. Un accident d'automobile, le 1er janvier 1931, provoqua son hospitalisation puis sa convalescence près d'Avignon et, traversant une période de doutes, il s'installa à Cassis puis à Nice où il prit l'habitude de passer l'hiver. Après l'attribution du prix Nobel en 1937, il poussa son voyage au Danemark, en Allemagne, en Autriche, puis en 1939 jusqu'à la Martinique, où il acheva d'écrire Les Thibault. Pendant la guerre, les Allemands occupèrent le château et Roger Martin du Gard se réfugia à Nice, puis à Figeac pour y retrouver sa fille et son gendre Marcel de Coppet , ne rejoignant Le Tertre qu'en juin 1945, dont un témoin nous dit « Martin est de nouveau là de toute sa présence, avec sa pipe et son affectueuse attention, c’est comme s’il n’était jamais parti. Il se dit tout repris par Le Tertre... »

 

Note complémentaire

L'amour que l'écrivain portait à son domaine du Tertre apparaît à plusieurs reprises dans son Journal :


— 22 août 1919 - « Je suis reconquis par le charme inouï, ensorcelant, de ce pays. Aucun site ne m'a jamais "possédé" à ce point, aucun air ne m'a grisé pareillement. La séduction de la maison, de la terrasse, du jardin, des charmilles, de la vue sur la forêt est sans précédent pour moi. »
— 14 juillet 1921 - « Je ne puis m'empêcher d'y situer tous les rêves d'avenir. Je voudrais créer là une œuvre d'art complète ; je puis le faire, je puis parachever l'enchantement, l'harmonie naturelle de ce lieu. J'aimerais, avant de mourir, avoir pu utiliser les dons que j'ai pour faire là un ensemble unique, et en faire profiter ceux qui m'entourent. Je rêve d'une hospitalité ouverte à tous mes amis, dans ce cadre inoubliable. »
— Novembre 1924 - « Le Tertre, tel qu'il ressortira de mes mains, sera incontestablement une œuvre. Une de mes œuvres. »
— 10 août 1937 - « Ma pensée prend de l'aisance dans ces beaux espaces, s'ordonne bien dans ce cadre aux justes proportions, s'épanouit dans ce silence un peu sauvage, se développe librement dans ce lieu qui est à la fois intime, recueilli, et empreint de grandeur. L'ombre est haute sous ces grands arbres ; le regard s'allonge hardiment vers ces horizons éloignés; et pourtant les premiers plans vous limitent : le concret est là tout autour, proche, rassurant, mais nullement tyrannique. Il n'y a guère d'endroits qui mériteraient si bien qu'une grande œuvre naisse là. C'est un endroit où l'on imagine Montesquieu écrivant L'Esprit des Lois. Si jamais je vends Le Tertre à un bougnat, si jamais, par ma faute, le Tertre tombe en des mains indignes, j'aurais commis une sorte de sacrilège ! »

 

Notes et références

[1] Ce nom vient de l'un de ses ancêtres qui possédait la ferme "du Gard" en Bourbonnais

[2] Voir sa Correspondance avec André Gide publiée en 1968

[3] En fait, il le rachète à sa belle-famille

[4] Les Thibault se présente en 8 volumes : Le Cahier gris (1922), Le Pénitencier (1922), La Belle Saison (1923), La Consultation (1928), La Sorellina (1928), La Mort du père (1929), l'Été 1914 (1936) et l'Épilogue (1940). Un téléfilm de Jean-Claude Carrière en a été tiré en 2003, en 4 parties intitulées Le Cahier gris, La Belle Saison, La Mort du Père et L’Été 14.

[5] Dans son autre "roman-fleuve" inachevé intitulé Mémoires du lieutenant-colonel de Maumort,  Roger Martin du Gard fait naître et mourir son personnage dans un château appelé « le Saillant », qui est directement inspiré par le domaine du Tertre comme l'indique son Journal daté du 16 juillet 1941.

 

Indications pratiques

- Château du Tertre, commune de Sérigny, Orne  61 130

- Classé au titre des monuments historiques;

- Le parc est ouvert à la visite du 1er juillet au 15 septembre, tous les après-midi, de 13h;

- Le bureau et la bibliothèque peuvent se visiter sur rendez-vous pour les particuliers ou les groupes.

 

Sélection bibliographique

 

  • Journal I Textes autobiographiques 1892-1919, 1992
  • Journal II 1919-1936, 1993
  • Journal III 1937-1949 Textes autobiographiques 1950-1958, 1993
  • Correspondance générale X 1951-1958, 2006

 

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