Roissiat Culture & littérature

Roissiat Culture & littérature

Philip Roth, Les Faits

Philip Roth, Les Faits, Autobiographie d'un romancier
 
 Philip Roth. New York. Septembre 2010. REUTERS/Eric Thaye -
Philip Roth. New York. Septembre 2010 (Reuters/Eric Thaye)
Philip Roth, Les Faits, Autobiographie d'un romancier , Traduction de l'Anglais par Michel Waldberg, éditions Gallimard, 1988

Philip Roth
nous propose avec cette autobiographie un tête-à-tête déroutant avec son héros favori, manière originale de faire un bilan et de se confronter à son travail d'écrivain à travers la relation complexe entre la fiction et le réel.
Parvenu à l’âge de 80 ans, Philip Roth a pris une rare décision : désormais, il n’écrirait plus. Irrévocable. Une mutilation pour un écrivain. Dans Les Faits, récit autobiographique paru en 1988, il s’adresse à son héros préféré Nathan Zuckerman, qui, au fil d’une dizaine de romans, l’a certainement beaucoup hanté.
[1]
 
Zuckerman pense-t-il que lui, l’écrivain connu et reconnu, doit vraiment donner en pâture des pans de sa vie, ce travail a-t-il une quelconque utilité, n’est-il pas seulement la conséquence de la dépression qu’il a connue ? Il n’avait jamais écrit sans ce déclic, prélude à l’expression, « sans que mon imagination ait été enflammée par quelqu’un comme toi, Portnoy, [2] Tarnopol [3] ou Kepesh… » [4]
 
Zuckerman, subtile, cabot comme pas un et jaloux, « tu vaux beaucoup mieux lorsque tu écris sur moi que lorsque tu rapportes ta propre vie avec "exactitude"… » lui déconseille fortement toute publication en lui donnant l’absolution.  Selon lui, Philip Roth serait alors, contrairement à son habitude dans ses romans,  trop gentil évitant de faire de la peine à ceux qu’il connaît bien, flattant sans vergogne son égo en lui confiant qu’il « crée un monde imaginaire infiniment plus excitant que le monde dont il procède… »   
 

L'écrivain à New-York
 
En fait, c’est une façon de dire que l’autobiographie n’est pas plus réelle que la fiction qu’imagine le romancier, différente de toute façon d’une réalité évanescente et complexe à saisir. [5]
Au-delà de la succession événementielle des petits faits de la vie, elle n’apprend pas grand-chose sur la genèse de ses personnages, sur ce qui fait que tel personnage ou telle situation naisse et prenne corps par les mots et les images qu’ils suscitent. Ici en tout cas, dans le combat de mots entre Nathan Zuckerman et son créateur, c’est ce dernier qui aura le dernier mot, celui qui a le pouvoir de changer le parcours de sa créature, ou même son identité comme  un manipulateur, un apprenti sorcier.  
 
Le problème de l’autobiographie est que finalement, elle n’apprend rien de vraiment fondamental à ses lecteurs sur les arcanes de la création qui s’analyse en fin de compte comme une osmose intime entre un écrivain et ses personnages confrontés à une situation donnée.
Mais peut-on vraiment se fier à un écrivain dont l’imaginaire est par définition hypertrophié, quelle part a la vérité dans ce fouillis d’événements qu’est une existence dont même une biographie en plusieurs volumes ne peut rendre compte ?
 
Il nous donne quelques clefs sur ses affinités de jeunesse, aussi importantes que tel ou tel fait biographique marquant  à travers les références de Salinger, Truman Capote ou Thomas Wolfe : « Dans mes premiers récits d'étudiant, j'avais réussi à emprunter à Salinger sa tonalité nauséeuse et au jeune Capote son arachnéenne vulnérabilité, et à imiter audacieusement mon titan, Thomas Wolfe, aux extrêmes de la suffisance et de l'auto-apitoiement. » 
 

Philip Roth et l'ombre de Kafka
 
Philip Roth et Portnoy
De ses débuts d’écrivains, de ses influences, il écrivait, à propos de Portnoy et son complexe : [2]
« C'était un livre dont le propos n'était pas tant de me "libérer" de ma judéité ou de ma famille (ce que beaucoup de lecteurs croyaient, convaincus par le déballage de Portnoy's Complaint, que l'auteur devait être en mauvais termes avec l'une ou l'autre) que de me libérer de modèles littéraires d'apprenti, particulièrement de la redoutable autorité universitaire de Henry James, dont le Portrait of a Lady avait été virtuellement un guide au moment des premiers jets de Letting Go, te de l'exemple de Flaubert, dont la distante ironie à l'endroit des désillusions, désastreuses d'une provinciale m'avait conduit à feuilleter obsessionnellement les pages de Madame Bovary  pendant les années où je cherchais le perchoir d'où observer les gens dans When She was good. »
 

Quand Philip Roth se met en scène dans ses romans (extrait d'une interview de lesinrocks.com)

" Quand je me fais apparaître dans Patrimoine en 1991, par exemple, c’est parce qu’il s’agit d’un livre sur la mort de mon père, sur ma famille, pas d’un livre de fiction. Donc il me semble normal d’y apparaître en tant que moi-même. Dans Tromperie en 1990, le sujet est l’adultère, et je m’interrogeais sur la façon d’apporter quelque chose de neuf à un tel sujet qui ne choque plus personne. Alors j’ai voulu rendre ce sujet "inconfortable", le restituer tel qu’il est pour moi… Donc aucun des personnages n’a de nom, sauf moi. Je me suis inspiré d’écrivains européens, tel Gombrowicz, qui fait apparaître un certain Witold dans La Pornographie et lui fait jouer le rôle de voyeur, pour amplifier la chute morale. La situation morale du livre me dicte de m’y faire apparaître ou pas.
Dans Le Complot contre l’Amérique en 2004, j’utilise ma famille et donc mon nom, car l’idée consistait à changer l’histoire des Etats-UnisRoosevelt perd les élections, et un type d’extrême droite les gagne. Ça allait donc changer quelque chose, mais pour qui ? J’ai pensé : pour ma famille, qui est juive. D’un côté, tout était inventé, et pour contrebalancer ça, tout se fondait sur une certaine réalité. Je me suis également introduit dans Opération Shylock pour des questions de méthode. Car la méthode, c’est tout. Il faut se demander "Comment dire une histoire ?". Cela doit être à chaque fois nouveau. Et si ça ne l’est pas aux yeux du monde, ça doit l’être au moins pour moi.
"

 
Philip Roth et le prix Nobel
Ce que pourrait être le type de communiqué (d'après le site slite.com)  du Comité Nobel si Philip Roth recevait (enfin) ce prix :  « Pour son oeuvre romanesque riche et puissante, qui, à partir de racines inscrites dans la tradition juive américaine, reflète avec réalisme et une profonde humanité, la condition universelle de l'artiste confronté au passage du temps » .

Notes et références
 
[1] Le « cycle Zuckerman » comprend notamment L'Écrivain des ombres, Zuckerman délivré et La leçon d'anatomie, qui transposent son travail d'écrivain à travers son double fictionnel Nathan Zuckerman
[2] « Portnoy et son complexe » paru en 1969, est le troisième roman de Philip Roth
[3] « Peter Tarnopol » est le héros de son roman « Ma vie d’homme » et des aléas du mariage
[4] Le cycle « David Kepesh » comprend « Le sein », « Professeur de désir » et « La bête qui meurt »
[5] Voir aussi « Patrimoine » paru en 1991 qui conte la dernière année de la vie de son père Herman
 
Voir aussi
* Mon article intitulé Philip Roth et Milan Kundera et son roman La bête qui meurt

      <<<< Christian Broussas – Feyzin, 24 avril 2014 - <<<<© • cjb • © >>>> 

08/05/2014
0 Poster un commentaire

Franz Kafka

Franz Kafka à Prague

 « L’écriture était l’organisation la plus productive de ma nature »

Kafka statue.jpg                     kafka buste Hladik.jpeg
Franz Kafka à Prague: sa statue et son buste

 

Franz Kafka, l’homme qui écrivait pour lui. Si son nom est aujourd’hui reconnu, on le doit à son ami Max Brod qui n’a pas respecté ses dernières volontés de détruire ce qui n’avait pas été édité -c’est-à-dire l'essentiel- et a publié en 1937 à Prague une biographie de son ami. [1]

 

Franz Kafka naît le 3 juillet 1883 à Prague, dans la Bohème qui appartient alors à l’Autriche-Hongrie. Sa situation familiale sera toujours très compliquée : aîné de quatre enfants, il est surtout l’unique garçon survivant de deux autres frères morts en bas âge. Sa mère, Julie Kafka Löwy, vient d’une famille aisée de Juifs allemands et son père Hermann Kafka d’origine plus modeste, mènera une vie difficile à son fils, reportant son ambition vers ce fils qui ne se hissera jamais à la hauteur des espérances paternelles. Il décrira leurs relations tumultueuses dans la « Lettre au père » qu’il ne lui enverra jamais.

 

Franz Kafka est pourtant alors un jeune homme soumis, fréquentant à partir de 1893 le lycée d’État de langue allemande implanté dans la Vieille Ville de Prague puis, sur les instances de son père, des études de droit à l’université de la ville. Rejetant son père, violent et si différent de lui, il se tourne vers son oncle Siegfried Löwy, demi-frère de sa mère, médecin de campagne à Triesch, un homme d’une grande culture qui influence le jeune homme timide et inexpérimenté. Il termine ses études par un diplôme de docteur en droit et commence, sans grande conviction, une carrière juridique dans des sociétés d’assurance. Parallèlement, il commence à écrire son Journal, des textes autobiographiques sur l’univers bureaucratique qui l’inspirera plus tard et fréquente le Klub mladych d’inspiration socialiste.

 

Kafka u veze3.jpg        Kafka Prague2.jpg       Kafka ruelle d or.gif
Kafka et Prague : la maison natale u veze, la maison Minuta et la maison de la ruelle d'or

 

Il aura toujours un rapport passionnel avec sa ville natale, où il est né dans la maison « U veze » (qui signifie « à la tour ») dans le quartier ancien, près de l’église Saint-Nicolas, écrivant dès 1902 à son ami Oscar Pollak : « Prague ne vous lâche pas. […]Il nous faudrait l’enflammer des deux côtés, à Vysehrad et à Hradcany, alors il serait possible de nous en débarrasser. »

 

Dans une lettre à Felice de Kafka, il décrit ainsi ce qu’il a sous les yeux : « Juste devant ma fenêtre (…) j’ai la grande coupole de l’Église russe (Saint Nicolas – Nikolaikirkan), avec ses deux clochers et, entre les clochers et l’immeuble voisin, j’aperçois un petit pan triangulaire découpé dans le Mont Saint Laurent (Laurenzberg/Petrin), avec une toute petite église au loin. A gauche, je vois l’Hôtel de ville et sa tour monter à pic, dans une perspective que personne n’a peut-être encore jamais vue. »

 

La maison où est installé actuellement le musée Kafka et où est apposé un relief de Kafka par le sculpteur Hladik, date en fait de 1902 puisque l’originale a été détruite par un incendie en 1897. A Prague, la famille change plusieurs fois de domicile, s’installe en particulier dans une maison médiévale appelée « Minuta » (A la minute) au 2 place de la Vieille Ville pendant sept ans et c’est ici que naîtront ses trois sœurs Elli, Valli et Ottla entre 1889 et 1892, puis jusqu’au début de la Première guerre mondiale au 36 de la rue Mikulaska, aujourd’hui rue Parizska (avenue de Paris). [2]

 

Les amours de Kafka ne sont pas non plus à la hauteur de ses espoirs. Sa brève rencontre avec Felice Bauer, une parente de Max Brod, lors d’un séjour à Paris puis leur longue correspondance, sont insuffisantes pour que la belle-famille donne son accord au mariage. La rupture définitive interviendra en décembre 1917 après la publication de deux œuvres importantes, « La Métamorphose », celle de Grégoire Samsa en cloporte, puis, « Le Verdict » qui paraît en volume l’année suivante. Nouvelle rencontre sans lendemain avec Julie Wohryzek alors qu’il se trouve en convalescence à Zurau dans les monts Tatra près de sa sœur préférée Ottla, à la suite de sa première crise de la tuberculose pulmonaire qui allait rapidement l’emporter.

 

Il entame une longue relation épistolaire avec sa traductrice tchèque Milena Jesenska-Pollak et lui confie en 1921, une partie de son « Journal ». Alors que sa santé se détériore, il noue de nouveaux liens avec Dora Diamant avec qui il voyage plusieurs mois sur les cotes de la Baltique et à Berlin. Mais décidément, la maladie fait son œuvre et à 41 ans, il décède au sanatorium de Kierling, près de Vienne.

 

 

Complément sur Kafka et son œuvre
Dans « Le Procès », sans doute son œuvre la plus connue, il décrit une bureaucratie policière qui rappelle certains régimes communistes de l’Europe de l’est, comme il évoquera l’épreuve des camps « Dans la Colonie pénitentiaire ».  

L’angoisse qui émane de certains de ses personnages, celle de Joseph K. par exemple qui se sent paumé dans un monde qui lui apparaît comme absurde, rappelle d’autres personnages comme celui d’Antoine Roquentin le héros de « La Nausée » de Jean-Paul Sartre ou de Meursault, celui de « L’Étranger » d’Albert Camus. A partir de là, du lourd climat qui traverse nombre de ses romans, on parlera de monde « kafkaïen » pour décrire un univers à l’atmosphère oppressante dans lequel les personnages se débattent dans un monde incompréhensible qui les déstabilisent et les écrasent.

Il avait l’espoir qu’il puisse se produire « une sublime osmose » entre l’auteur et le lecteur, une haute idée de l’art littéraire dont il disait « On ne devrait lire que des livres qui nous piquent et nous mordent. Si le livre que nous lisons ne nous réveille pas d’un coup de poing sur le crâne, à quoi bon le lire ? »

 

Franz Kafka, qui compose souvent avec son hypersensibilité, avait des rapports complexes avec Prague qui apparaît dans ses œuvres autant par son atmosphère que par ses rues, ses places ou ses vieux ponts. Il y ressent aussi une espèce de fatalité dans une société où chaque groupe est replié sur lui-même, une distanciation du juif dans un pays antisémite, de l’Allemand qu’il reste aux yeux des tchèques bien qu’avec les autres Allemands de Bohême, il ne se sente guère d’affinités, séparés d’eux aussi bien par leurs préjugés raciaux que par l’isolement du ghetto.

 

Notes et références
[1] En 1922, Kafka envoie à son ami Max Brod, un document considéré comme son testament, où il lui demande de détruire ses textes non publiés, des récits achevés, des ébauches et des brouillons, des textes qu’il avait réfutés ou restés inachevés.


[2] Puis il résidera entre autres rue Bilkova et rue Dlouha, au 2 Ruelle d’or, une petite maison rue des alchimistes au Château de Prague, un deux-pièces palais Schönborn dans le quartier de Mala Strana, enfin la maison Oppelt près de l’immeuble où il naquit.

 

         <<<<<<<< Christian Broussas - Feyzin, 12 avril 2014 - << © • cjb • © >>>>>>>>


12/04/2014
0 Poster un commentaire

Le site dédié aux prix Goncourt

 
                    

 

         <<<<<< Christian Broussas – Feyzin, 5 avril 2014 - <<<<< © • cjb • © >>>>>>>


06/04/2014
0 Poster un commentaire

Le site Prix Nobel de littérature

 
                               

 

         <<<< Christian Broussas – Feyzin, 5 avril 2014 - <<<<< © • cjb • © >> 43 >>>


05/04/2014
0 Poster un commentaire

Bernard Clavel dans le Rhône

Bernard Clavel dans le Rhône entre Lyon et Vernaison

Fiche du 5 octobre 2011 pour le 1er anniversaire de sa disparition

 Dès 1946, Bernard Clavel s’installe avec sa femme et son premier fils, dans une petite maison à Vernaison, village situé à la sortie sud de l’agglomération lyonnaise. Il se sent libre, un ‘sauvageon’ dit-on, toujours pieds nus dans ses sahariennes, vivant l’existence quotidienne des riverains dans ce milieu entre terre et eau qu’on appelle "les lônes" du Rhône, formées d’une végétation touffue de plantes et d’arbustes parfois épineux, les "vorgines". Il aimait sentir la matière vivante, créer de ses mains comme son père pétrissait son pain, maniait avec plaisir la truelle et le rabot et passait de longues heures devant son chevalet à tenter de saisir sur sa toile les reflets irisés des eaux changeantes du Rhône.

 

         Inauguration du parc Clavel à Vernaison

 

Il écrit aussi et le virus de l’écriture ne va pas tarder à supplanter la peinture. Débuts difficiles avec la naissance de deux enfants, une vie d’artiste ponctuée de petits boulots. Il commence à écrire dans la revue Résonances dirigée par Régis Neyret, nombre d’articles sur la culture locale puis sera homme de radio à Radio-Lyon, s’exerçant à la fiction. Il connaît quelques succès d’estime, prix Résonances du jury (présidé par André Maurois) et prix des lecteurs pour sa nouvelle "La Cane". Il publie en feuilleton dans le journal Le Progrès de Lyon un récit intitulé "Vorgines", histoire largement inspirée de sa vie à Vernaison, paru plus tard sous le titre "Pirates du Rhône". [1] En 1957, il quitte Vernaison pour s’installer à Lyon, d’abord sur les rives de Saône, quai Romain Rolland dans le Vieux-Lyon puis à partir de 1961, sur le cours de la Liberté dans le quartier de la Préfecture.

 

         L'écrivain en 1968 pour le Goncourt

 

Sa relation particulière avec Lyon et le Rhône naîtra très tôt d’un premier voyage chez des cousins qui habitent sur le cours Gambetta, près du fleuve et de la place du Pont. Il veut absolument voir les bas-ports du Rhône au pont de La Guillotière où débarqua "le Petit Chose" en oubliant son perroquet, cet endroit où « l’Hôtel-Dieu se reflète dans le fleuve. » [2] Il évoquera plus tard ce souvenir, écrivant : « Tout ce que j’ai écrit sur la batellerie, sur la puissance du Rhône, est parti de là. La ville de Lyon est devenue en quelque sorte ma deuxième patrie après le Jura. » Le Rhône exercera sur le gamin qu’il était alors, une telle fascination qu’il en fera le "héros" de plusieurs de ses romans, jusque dans ses dernières œuvres. [3] Il écrira même un roman "La Révolte à deux sous" dont la ville de Lyon est le véritable héros, histoire d’une des révoltes des canuts, les ouvriers lyonnais qui travaillaient la soie, qui ont émaillé le XIXe siècle. [4]

 

    Clavel et sa femme Josette Pratte

 

Quelques temps après, lors d’une autre visite avec son père qui recherche son ami Ponard, il parcourt à pieds tout le quartier de La Croix-Rousse, arpentant les Pentes à partir de la place des Terreaux, passant devant le bâtiment des Beaux-Arts qu’il aurait aimé fréquenté, sillonnant en vain les rues du Plateau. Le lendemain, ils firent de même dans le quartier de La Guillotière où ils finirent par débusquer l’ami boulanger. De son premier roman, sa seconde femme Josette Pratte dira : « C’est exactement l’atmosphère qu’on retrouve dans tes romans lyonnais. » [5] Atmosphère qu’on retrouve aussi avec cette neige sale des rues de la Presqu’île entre la place Bellecour et la gare de Perrache dans son roman "Le Retour du père" ou les rues étroites et tristes du Vieux-Lyon dans "L’Homme du Labrador".

 

Á Lyon, il se lie d’amitié avec deux autres écrivains lyonnais Gabriel Chevallier [6] et Jean Reverzy, "le médecin des pauvres", pour qui confie-t-il dans une interview : « j’ai pleuré comme un enfant quand il est mort en juillet 1959. » Avec Reverzy, ce n’est pas seulement la littérature qui les unit, leur passion commune pour Gauguin, [7] c’est une vision commune de la vie, « son poids d’humanité vraiment extraordinaire. » Gabriel Chevallier est plus distant, d’un abord plus difficile mais confie Bernard Clavel, « nous avons mis du temps à nous connaître, c’est ensuite une amitié indéfectible. »



Inauguration de la bibliothèque Bernard Clavel à Courmangoux dans l'Ain

 

C’est aussi à Lyon que Bernard Clavel va commencer le long combat pour la liberté, contre la violence et la guerre, qu’il mènera toute sa vie. [8] Il dénoncera par exemple les défilés militaires dans un article de Résonances. Il se battra contre les injustices et sera en particulier aux côté de Robert Boyer pour demander la révision du procès de Jean-Marie Devaux, injustement condamné pour le meurtre d’une fillette à Bron dans la banlieue lyonnaise. [9]


Bibliographie sélective

  • Romans : Le voyage du père, Robert Laffont, 1965, Le Seigneur du fleuve, Robert Laffont, 1972, Le Silences armes, Robert Laffont, 1974, La Révolte à deux sous, Albin Michel, 1992
  • Essais et récits : Paul Gauguin, Éditions du Sud-Est, 1958, Le massacre des innocents, Robert Laffont, 1975, Lettre à un képi blanc, Robert Laffont, 1979, Le Rhône ou les métamorphoses d'un fleuve, Éditions Hachette Littérature, photos Yves-André David, 1979
  • Préfaces : Mourir pour Dacca, Claude Mossé, Robert Laffont, 1972, Ecrits, Louis Lecoin, Union Pacifiste (UPF), Boulogne, 255 pages, 1974, Revue Liberté de Louis Lecoin, pacifisme et objection de conscience, Les Travailleurs Face à L'armée, Jean Authier, Union Pacifiste de France, Albin Michel, 1992

Autres fiches consultables :

* Bernard Clavel à Courmangoux dans le Revermont
* Bernard Clavel à à Château-Châlon

* Bernard Clavel à Dôle

 

Notes et Références
[1] « Il y a encore des gens qui me disent : "Je vous ai découvert en lisant ‘Vorgines’ dans Le Progrès" » aime à dire Bernard Clavel
[2] Les bâtiments de l’Hôtel-Dieu s’élèvent sur le quai, à l’angle de la rue de la Barre, face au pont de La Guillotière. L’Hôtel-Dieu a été désaffecté en 2010 et sera reconverti en centre d’activités et d’affaires dans les prochaines années.
[3] Sur sa description du Rhône, en particulier sur sa puissance, voir ses deux romans "Le Seigneur du fleuve" et "La Table du roi"
[4] Sur la révolte des Canuts, voir l'excellent livre de l'historien lyonnais Fernand Rude : "La révolte des canuts, 1831-1834", essai (poche), paru en 09/2007
[5] Roman intitulé "Le Retour", jamais publié et déposé dans le fonds Bernard Clavel à la bibliothèque de Lausanne
[6] Gabriel Chevallier : écrivain lyonnais surtout connu pour avoir écrit "Clochemerle" et la suite en trois volumes. Bernard Clavel aimait surtout son roman "La Peur", dénonciation de la guerre.
[7] Bernard Clavel écrira à cette époque une biographie du peintre Paul Gauguin
[8] Voir en particulier son essai-témoignage intitulé "Le Massacre des innocents"
[9] Voir ma fiche sur L'Affaire_Deveaux

 

     <<<<<<<< Christian Broussas - Feyzin, 16 octobre  2012 - << © • cjb • © >>>>>>>>

 


03/04/2014
0 Poster un commentaire