Roissiat Culture & littérature

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Stendhal consul à Civitavecchia

« Puisque la mort est inévitable, oublions-là ». Stendhal

 

La Monarchie de Juillet n'a pas fait un cadeau à Stendhal en le nommant consul à Civitavecchia, qu'il appelle curieusement "l'abeille" dans sa correspondance, comme si le mot était tabou, petit port près de Rome le long de la mer tyrrhénienne. Il faut dire que sa réputation de jacobin bonapartiste le poursuit et que les Autrichiens n'en veulent pas à Milan, qu'il est "interdit de séjour" en Lombardie. A Civitavecchia, il s'ennuie, guettant le bateau à vapeur qui apporte des nouvelles ou convoie d'éventuels visiteurs. [1] Stendhal est alors un homme vieillissant et surtout toujours malade, souffrant en particulier de la goutte et de la gravelle, dont son cousin Romain Collomb dresse un portrait qui passe pour refléter la réalité : [1]

« Il était de taille moyenne et chargé d'un embonpoint qui s'était beaucoup accru avec l'âge... Il avait le front beau, l'œil if et perçant, la bouche sardonique, le teint coloré, beaucoup de physionomie, les col court, les épaules larges et légèrement arrondies, le ventre développé et proéminent, les jambes courtes, la démarche assurée... »

Il ne se fait guère d'illusions sur ses attraits physiques, comptant plutôt sur ses qualités d'esprit pour malgré tout continuer à séduire. Il prenait grand soin de sa personne, attiré par la mode qui lui permettait d'améliorer son image.

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 Il cachait sa calvitie sous un toupet d'emprunt, soignait ses favoris et son large collier de barbe, teints en brun. A Paris, il aimait se promener sur le boulevard des Italiens, le chapeau légèrement sur l'oreille et la cane à la main.

 

Lui-même a brossé son portrait son les traits de Roizand dans sa nouvelle intitulée "Une position sociale." Il le présente comme un homme d'esprit brillant dont « les saillies effrayaient les médiocres. » Pudique, il n'évoquait jamais ses sentiments profonds , « son orgueil aurait été au désespoir de laisser deviner ses sentiments. » En fait à Civitavecchia, il y résida fort peu. Il commença par prendre un appartement à Rome dans le palais Cavalieri. Si l'on en croit ce qu'il écrit dans "Une position sociale" il eut une aventure avec celle qu'il appelle la duchesse de Vaussey -en fait la femme de "son" ambassadeur la comtesse de Saint-Aulaire, belle rousse « aux yeux pervenche et aux poses alanguies. »

 File:Palazzo cavalieri di malta.jpg  Le palais Cavalieri

 

A Rome, il fait la connaissance des Cini, lui rarement là et elle Giulia ... qui lui plaît beaucoup. Il la surnomme "Cendre" -du latin cinis- ou "Earline" -de l'anglais "earl", comtesse- la petite comtesse. Dans son salon, on y pratique la musique et la poésie, ce qui lui rappelle le bon temps de Métilde à Milan et de la Ghita à Bologne. Mais quand sa chère Giulia Rinieri quitte Paris pour revenir chez elle à Sienne, il sait déjà qu'il sera désormais plus souvent à Sienne -ou à Florence où il se retrouvent aussi- qu'à Rome ou à Civitavecchia. Mais il apprend un jour que la belle a un autre prétendant, qui va parvenir à l'évincer.

 

Désespéré, il demande un congé de 3 mois et part à Paris o il s'étourdit, revoit ses amis Mérimée, Musset et Delacroix. Le retour est difficile et comme dérivatif, il visite la région napolitaine, y rencontre Lucien Bonaparte qu'il accompagne dans ses fouilles des sites étrusques. A forces d'absences, il se fait rappeler à l'ordre mais la chance veut que son nouveau ministre le comte Molé aime bien l'écrivain et lui accorde généreusement un congé étendu à 3 ans... avec maintien de son salaire. Il va être ainsi "en vacances" de mai 1836 à juin 1839.

Avec l'hôtel Marin-Delahaye sur la gauche et l'hôtel d'Aumont sur la droite. Le début de la rue Caumartin à Paris

 

Si la bougeotte le reprend, il a soudain s'enfermer dans sa chambre parisienne au 8 de la rue Caumartin où, du 4 novembre au 28 décembre 1838, il dicte le manuscrit de La Chartreuse de Parme. L'idée semble lui en être venue le 16 août, notant dans son Journal le projet de bâtir un "romanzetto" à partir de documents traitant de « l'origine de la grandeur des Farnèse. »

"Il est content avoue-t-il alors, ne serait-ce que pour son roman, il a reçu le soutien enthousiaste de Balzac. Le 24 juin 1839, il est de retour à son Consulat... juste le temps d'aller soigner sa goutte à Castel Gandolfo « chez la jolie comtesse Cini. »

Il lui reste alors à peine deux ans à vivre.

 

Notes et références

[1] Romain Collomb, 'Mon cousin Stendhal", éditions Slatkine, 1997

 

Voir aussi mes autres articles sur Stendhal

* Stendhal "un européen absolu" -- Stendhal et Lucien Leuwen

* Stendhal et la découverte de l'Italie et Stendhal et la campagne de Russie

* Stendhal et Armance et Stendhal et Lamiel

* Stendhal Mémoires d'un touriste

Vie de Henri Brulard et Stendhal à Lyon, C. Broussas

 

Références bibliographiques

* Vie de Henry Brulard et Souvenirs d'égotisme, œuvres autobiographiques inachevées centrées pour le premier sur son enfance et le second  sur sa vie à Paris entre 1821 et 1830.

* Jean Goldzink, "Stendhal l'Italie au cœur", Gallimard, "Découvertes", 1992

 

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10/01/2014
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